
J.M. Lykkès
Ein Blusten - Kevra en mission
Interview
1) Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
J’ai à la base une vraie passion pour le dessin. Lorsque l’on gribouille un personnage, on cherche à lui donner une allure. Par exemple une armure bien stylée ; on fait en sorte qu’elle paraisse fonctionnelle. Et puis on extrapole. On ajoute un emblème. On se demande pourquoi notre brave personnage est blindé comme un char d’assaut. C’est là que l’imagination débarque :
« Eh bien, c’est parce que monsieur est tueur d’ogres ! D’ailleurs, ce n’est pas un métier facile. On va lui faire une cicatrice sur la figure. On va dire qu’il s’est pris un coup dans sa jeunesse en affrontant sa première bestiole… »
Avant de s’en apercevoir, on est déjà en train d’imaginer tout un contexte, tout un parcours, tout un monde. Notre personnage n’est plus limité à ses traits, il a une profondeur, un vécu, une histoire que l’on a envie d’écrire.
(En plus de ça, il n’y a aucune limite dans l’écriture, on peut inventer des pays, des divinités, faire naître ou mourir des personnages… C’est cool.)
2) Ce qui vous a donné envie d’être édité ?
Tout d’abord, je n’écris ni pour faire passer un quelconque message super profond, ni pour pallier à un mal-être qui nécessiterait que je m’épanche auprès d’un public qui a déjà ses soucis. J’écris pour le plaisir.
J’adore les anim’ et toute cette culture qui, il y a peu, valait aux amateurs de se faire marginaliser ou railler. Notre génération est plus ouverte à l’Imaginaire que la précédente, et j’assume parfaitement de vouloir faire des écrits « visuels » pour des personnes qui ont grandi avec des blockbusters, des mangas et des jeux vidéos comme références. J’ai envie que les personnes qui se sont construites à partir de cette culture ne s’ennuient pas en lisant un roman. C’est donc ce que je leur propose dans mes écrits.
D’un point de vue plus personnel, j’adorerais voir mes personnages bouger ; que ce soit dans un jeu ou dans un anim’. L’écriture est le meilleur moyen de communiquer précisément à un tiers ce que l’on a dans le crâne. L’édition représente un pas de plus pour qu’un jour, mes personnages s’incarnent. Alors toi, oui toi, la cosplayeuse ! Si l’envie te prend de te grimer en Ein Blusten, n’hésite pas ! Tu feras au moins un heureux.
3) De travailler avec Onyx ?
Alors, vous la voyez venir la section des superlatifs et des mots gentils pour me mettre bien avec mes éditrices ? Je ne vais pas mentir, les yeux dans les yeux, je vous le dis…
Je suis tombé sur les Éditions Onyx en me perdant sur les réseaux sociaux. J’ai suivi leurs différentes annonces, assisté à l’émergence de ce qui n’était qu’un rêve et qui a rapidement pris corps grâce à l’abnégation de deux jeunes femmes. Et j’ai eu envie d’y participer.
J’ai fini Ein Blusten avec comme objectif de le soumettre aux Éditions Onyx, pour être de ceux qui contribueraient à faire s’épanouir un projet loin de l’image (peut-être fausse) que me renvoyait le monde de l’édition. Je n’ai envoyé mon manuscrit qu’à deux ME, et j’ai arrêté mes envois quand j’ai reçu la réponse d’Onyx.
Elle n’était pas positive ou négative. Elle était simplement personnelle et attentionnée. Je ne cherchais pas une ME, je cherchais une aventure humaine. C’est ce que j’ai trouvé avec les Éditions Onyx. Aujourd’hui je suis plus riche de certaines rencontres. J’y ai même gagné un surnom (que je tairai ici) !
Bien sûr, dans quelque temps, mes éditrices et moi nous nous entre-déchirerons, en viendrons aux mains, nous battrons à coups de livres ! (j’aurais alors un surnom bien plus fleuri, je pense…) Mais ce n’est pas pour tout de suite… Enfin, je crois...
4) D’où est venue cette inspiration pour Ein Blusten ?
Depuis toujours j’accroche sur les personnages comme Motoko Kusanagi, Gally ou Naomi Armitage, des héroïnes badass qui ne s’en laissent pas compter. Cependant, j’ai constaté que très peu d’histoires ont pour personnage principal une vraie garce. Attention, je ne parle pas ici de la pimbêche qui, comme seule marque de caractère, se contente de rouler des yeux en dressant son majeur trois fois par jour. Non, je parle du vrai antihéros, du pur et dur, de celui qui ne plongera pas dans le canal pour arracher un chaton aux yeux bleus de la noyade !
J’ai donc décidé de partir des défauts du personnage au lieu de ses qualités, et de m’y tenir. Les réactions d’Ein Blusten se sont imposées d’elles-mêmes à partir de là. En relatant l’action et non pas les pensées des personnages, on gagne en spontanéité. Ceci allié à un humour consternant, comme vous pouvez le constater, a fait que l’histoire s’est naturellement teintée d’une couche de second degré qui fait tout l’intérêt du personnage d’Ein Blusten et surtout de son assistante.
5) Quels sont vos futurs projets ?
Comme tout bon auteur de SFFF qui se respecte, je m’attelle à une saga. J’ai d’ailleurs écrit Ein Blusten : Kevra en mission en même temps que je finalisais le premier tome de ce projet titanesque : une belle brique de plus d’un million deux-cent mille signes. De quoi faire pleurer n’importe quelle correctrice ! L’histoire met en scène des personnages ambivalents qui sont aussi vertueux que monstrueux. Je m’éclate vraiment à inventer des ethnies, des créatures et des caractères singuliers. C’est aussi l’occasion de faire la part belle aux races et classes que j’adore et qui sont peu présentes ailleurs : bonjour berserkers, métamorphes et autres Elfes noirs !
Parallèlement à ce projet, j’écris un peu de tout : de la sfff, de la romance, du new adult. Je saute joyeusement d’un roman choral, poétique et contemplatif, à une comédie déjantée relatant les tribulations d’un « chevalier blanc » qui s’éprend d’une actrice de charme des plus délurées. C’est un moyen de respirer d’un livre à l’autre. En sortant du dernier MCU, il est fort probable que vous n’ayez aucune envie de vous pencher sur le cas de Juliette : une jouvencelle qui hésite depuis sept chapitres à prendre la main de Roméo. Non, vous avez envie d’écrire de l’action, alors autant sauter sur votre bouquin futuriste et faire parler la poudre. Juliette attendra encore un peu (de toute façon, elle ne fait que ça).
6) Quel genre de scène préférez-vous écrire ?
Je dirais, les climax. Les scènes qui nécessitent sérieux et justesse, comme par exemple les scènes de sexe ou de combat. Sérieux et justesse que je m’empresse de dynamiter ! J’aime le décalage qu’il peut y avoir entre une description débridée et des répliques qui cassent l’ambiance.
Je ne sais pas vous, mais moi je trouve qu’il n’y a rien de plus gênant qu’une scène de sexe mal faite. Vous savez, celle où l’auteur est si timoré qu’il vous donne l’impression de n’avoir jamais effleuré la peau de qui que ce soit. Ou le contraire, l’auteur bourrin qui n’a pas le temps de niaiser. Lui, il pioche dans le lexique le plus organique possible et fait apparaître sa scène d’amour comme une bonne vieille saillie.
Moi, j’aime bien embraser les sens de la personne qui me lit, employer des tournures melliflues, enrober le tout avec des images évocatrices, allumer la flamme dans ses tripes et rehausser le rose de ses joues et là… désacraliser le tout !
Bien que le passage soit bigrement érotique, les répliques décalées sont là pour rendre la scène plus abordable. Le lecteur n’est alors plus recroquevillé dans son canapé à fantasmer ou à culpabiliser d’être gagné par la fièvre. Non, il sourit en se disant : « Mais qu’il est con... » Et il a raison ! Ça rend la scène foireuse ou alors totalement géniale. Deux concepts très voisins, je trouve.
7) Quel est votre processus de création ? (méthodes, plans ou feeling, cadre idéal).
Architecte ou jardinier ? Je dirais « jardinier à l’anglaise ». Je sais ce que je vais semer et où. J’arrose mais je ne laisse pas la nature partir dans tous les sens. Je colle un brin d’architecture pour équilibrer l’ensemble : une ruine ou une folie pour l’harmonie globale du paysage. Et si une espèce végétale inconnue s’incruste dans mon beau tableau, et bien je tâche de voir ce que je peux en faire, car enfin, si elle s’est développée, c’est qu’elle a trouvé un terrain propice à son épanouissement.
Je ne fais pas de plans pour deux raisons : si j’écris c’est pour m’affranchir de tout cadre, pas pour m’en imposer d’autres. Et si j’écris, c’est parce que l’idée qui me trotte dans la tête est arrivée à maturation. Pas besoin, donc, de la figer sur support pour qu’elle soit cohérente avant de me lancer.
J’écris ce qui vient. Parfois, une incongruité se présente et c’est le meilleur moment. Alors oui, cette bizarrerie peut mettre à mal le cours normal de l’histoire, mais c’est souvent le genre d’éléments les plus plaisants à traiter (ou simplement le coup de théâtre que j’attendais). C’est le lendemain, en me relisant, que je réalise vraiment le potentiel qu’apporte ce type d’imprévus. Si l’auteur lui-même est surpris, alors le lecteur le sera fatalement.
Le cadre idéal ? Musique à fond ! Pour Ein Blusten : Kevra en mission, c’était l’album « Back in black » d’ACDC en boucle. Je suis presque sûr que « Shoot to Thrill » a été écrite pour Ein tant elle lui correspond !